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Demain l’Insurtech : 3 questions à Annabelle Delestre

Annabelle nb.jpgAnnabelle Delestre, Fondatrice & CEO de Lidix

Après un parcours en asset-management puis assurance vie avec des responsabilités dans le domaine marketing digital et financier, Annabelle a créé Lidix, une insurtech dédiée à l’optimisation de l’expérience utilisateur en assurance-vie.

Lidix est incubé au Swave et vient de recevoir le Label FinTech de Finance Innovation. Les premiers services de la plateforme Lidix sont dédiés à la gestion des bénéficiaires et commercialisés en marque blanche auprès des professionnels.

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Demain l’assurance : La crise sanitaire a-t-elle réellement changé la donne, ou le business repartira as usual ?

Annabelle Delestre : La crise sanitaire a créé une énorme perturbation sur le marché de l'assurance-vie. Parmi les éléments clés il existe des éléments communs au marché global de l’assurance et d’autres plus spécifiques liés au secteur.

La collecte nette s’est écroulée en 2020 à −6,5 milliards d’euros contre + 21,9 milliards d’euros en 2019. En effet, la distribution provient majoritairement des bancassureurs et s’effectue (historiquement) en présentiel. Cependant cette décollecte historique n’est pas due aux retraits qui sont restés stables mais de la baisse considérable des versements alors même que l’épargne de précaution s’envolait.

Parallèlement, les distributeurs en ligne ont connu une croissance exceptionnelle. La digitalisation des souscriptions / versements, traditionnellement faible dans le secteur (estimée à environ 5% avant la crise), a connu depuis la crise une accélération inédite.

Comme dans beaucoup d’autres domaines il s’agit donc d’un effet de bascule et début 2021 la collecte nette est repassée dans le vert. Malgré la pression considérable sur les équipes informatiques, dues au passage brutal vers le télétravail et aux tensions liées à la cybersécurité, les acteurs traditionnels se sont ainsi engagés dans une évolution à marche forcée.

A l’autre bout de la chaîne, du côté de la « gestion de sinistres », les habitudes ont aussi été bousculées et la transmission numérique de documents s’est accélérée dans un monde confiné. A titre d’exemple, la DGFIP autorise depuis janvier 2021 l’envoi dématérialisée (par mail) de la déclaration partielle de succession en assurance-vie (Cerfa 2705 A obligatoire en présence d’assurance-vie comportant des versements effectués après les 70 ans de l’assuré).

Chez Lidix, nous avons pu constater que de nombreux acteurs travaillaient activement à transformer leur approche. Digitalisation de la relation avec les bénéficiaires, projets de gestion transversale des successions, recours à l’IA pour accélérer l’analyse des pièces justificatives … 

Cependant s’agit-il d’une véritable transformation ? La question se pose dans un secteur confronté à une inflation réglementaire majeure ces dernières années et à un historique important en matière de stock de contrats et d’architecture IT.

Pour atteindre une qualité optimale de l’expérience utilisateur, offrir un parcours fluide de bout en bout, il devient nécessaire de repenser les processus de façon transversale. Les enjeux sont donc technologiques autant que liés à la culture d’entreprise. La prise de conscience a donc eu lieu, des étapes longtemps différées ont été franchies même si elles sont encore surtout concentrées sur des maillons tels que la signature électronique des contrats ou la RPA. Les efforts ciblent les briques essentielles pour maintenir le « business as usual », et constituent l’amorce d’une transformation plus profonde des processus et de l’expérience client. L’image du secteur, malmené par la crise sanitaire, a donc souffert et les enjeux stratégiques restent majeurs pour placer le client au centre et restaurer la rentabilité dans un contexte de taux très bas.

Ainsi ce coup d’accélérateur pour la transformation digitale n’est pas nécessairement synonyme d’innovation de rupture. Nous constatons chez Lidix que la demande est beaucoup plus forte sur le segment de la gestion de sinistres que sur le volet anticipation / prévention. Pourtant le digital permet de repenser la relation bénéficiaire (par exemple mise à jour de la clause et/ ou des coordonnées bénéficiaires en selfcare).

Demain l’assurance : Empathie et assurance : antinomiques ou complémentaires ?

Annabelle Delestre : S’il est un maillon de la chaîne de valeur en assurance qui pâtit de la comparaison avec les standards du commerce électronique, c’est la gestion de sinistre. Il s’agit un des maillons clé du parcours où l’état émotionnel du client joue un rôle prépondérant. Or il connaît encore de nombreuses frictions et tandis que les pratiques ont beaucoup évolué en IARD et en santé (notamment avec le développement d’insurtechs « fullstack »), l’assurance-vie reste en retrait. La gestion des successions est encore majoritairement papier ou mail et peu d’acteurs proposent aux bénéficiaires en cas de décès un espace client digital. Comme les procédures juridiques et fiscales sont des plus complexes, « l’expérience héritier » s’avère souvent doublement douloureuse.

Un des éléments clé concerne la transparence. Le manque de visibilité sur les pièces attendues et les étapes du parcours (« où en est mon dossier ? »). Or les attentes des consommateurs se sont renforcées, car ils sont désormais habitués aux alertes et notifications dans tous les autres secteurs du commerce en ligne. 

Les organismes d’assurance sont largement orientés par la réglementation et beaucoup d’équipes sont sous tension. Le malentendu persiste ainsi entre le grand public, souvent persuadé que les assureurs veulent conserver les capitaux, et des assureurs soucieux de régler les prestations au plus vite, mais confrontés aux problèmes d’identification des bénéficiaires et de complétude des dossiers. Sur le fond il ne devrait donc pas y avoir d’opposition entre empathie et assurance : une proposition de service client incluant transparence, pédagogie et parcours digital optimisé permet d’accompagner les bénéficiaires tout en respectant les contraintes métier.

Demain l’assurance : S’achemine-t-on vers des stratégies tout digitale ou le phygital trouvera-t-il toujours sa place ?

Annabelle Delestre : Cette opposition n’est pas nécessairement pertinente mais elle est révélatrice de la qualité de service attendue par les consommateurs et des craintes liées aux avancées technologiques. L’automatisation fait redouter à la fois une robotisation déshumanisante de la relation client et une baisse des effectifs dédiés au service client. A titre de comparaison, si l’utilisation du virement dans le domaine bancaire est totalement digitalisée, le client reste sensible à la capacité de la banque à l’alerter en cas de fraude. C’est donc en cas de difficulté caractérisée que l’appui du service client sera jugé pertinent. De la même manière, le recours à la RPA, par exemple pour la vérification automatique des pièces lors d’une réclamation, va apporter une qualité et une rapidité d’exécution positive notamment pour accélérer le traitement de la demande.

Cependant, en cas d’erreur sur l’efficacité de l’OCR, et l’impossibilité de résoudre le blocage en ligne, l’intervention du support client sera bienvenu.

Clairement le modèle du phygital permet de valoriser le « conseiller augmenté », avec une utilisation de l’IA pour automatiser les tâches répétitives, accélérer les process et « libérer » les conseillers pour des interventions conseil à forte valeur ajoutée.

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